IoT/IA: Pas d’analytique de réseau sans un back-end puissant
L’un des façons d’envisager l’Internet des objets consiste à déployer un grand nombre de capteurs permettant de recueillir divers types d’informations (température, niveaux de pression, etc.) et de les envoyer, sans autre traitement, vers un équipement installé en bout de réseau sur un site industriel ou bien dans le cloud, ou encore vers un datacenter distant. Et dans bien des cas, cette description correspond exactement à la réalité de terrain. Mais de plus en plus, les dispositifs IoT vont au-delà de ce simple envoi de données qu’on leur assigne. Un certain nombre d’entre eux sont capables d’effectuer eux-mêmes des analyses de données, ce qui permet de simplifier les architectures et de disposer d’environnements plus réactifs. Evidemment, ce n’est pas adapté à tous les cas d’usage, mais il existe des mises en oeuvre IoT qui, d’ores et déjà, confient aux dispositifs IoT eux-mêmes la responsabilité d’établir leurs propres critères d’évaluation par l’analyse de données, ainsi que d’autres tâches qui pourraient convenir à ce type de déploiement. Il y a trois grands domaines dans lesquels, de façon de plus en plus commune, l’analyse de données se fait au niveau même de l’équipement IoT, en partie ou en totalité : les villes connectées, les implantations industrielles et le transport.
Modèles ML : trop de calcul pour le dispositif IoT
Dans les smart cities, par exemple, les caméras connectées peuvent réaliser directement certains types d’analyses, ce qui aide les équipes qui planifient le trafic à comprendre les modèles de trafic motorisé et piéton. La différence entre effectuer entièrement ou partiellement les analyses sur le dispositif IoT situé en bout de réseau est importante selon Mark Hung, vice-président recherche du cabinet Gartner. Les analyses faites dans les mises en oeuvre IoT s’appuient sur l’apprentissage machine et l’intelligence artificielle. Les systèmes centraux récupèrent les données fournies par les dispositifs connectés et ils en tirent des analyses permettant d’effectuer automatiquement des actions en lien avec la fiabilité, la performance ou autre, en fonction des différents projets métiers déployés.
Il est assez simple de mettre en application les leçons apprises d’un apprentissage machine sophistiqué, même sur des dispositifs relativement contraints. En revanche, certaines parties du processus de machine learning requièrent beaucoup trop de ressources de calcul pour s’effectuer sur la plupart des équipements situés en bout de réseau. Cela signifie que ces équipements ne modifient pas eux-mêmes leurs instructions mais qu’ils fournissent des informations qui pourront être utilisées par un back-end plus puissant. C’est ce dernier qui personnalisera une mise en oeuvre IoT donnée qui sera répercutée sur chaque « endpoint ».
Trafic routier : chaque intersection est différente
A cet égard, le cas de l’analyse vidéo destinée à surveiller et comprendre le trafic routier ou piéton dans une ville est instructif. On utilise un système où les caméras elles-mêmes suivent les piétons et les automobilistes, puis comparent ces données avec un modèle d’intelligence artificielle créé de façon centralisé. Chaque intersection est différente. Donc, pour essayer de comprendre les différents modèles et volumes de trafic, il ne sera pas pertinent d’utiliser des critères de notation identiques pour chacune des caméras placées aux différentes intersections. Au contraire, chaque intersection a besoin de sa propre grille d’évaluation. Par ailleurs, l’apprentissage machine qui devra leur être associé aura besoin d’une puissance de calcul importante que la caméra elle-même ne pourra pas fournir. Ces traitements devront donc être pris en charge sur un système de back-end. Les caméras peuvent mettre en application les leçons apprises par le modèle d’intelligence artificielle, mais elles ont besoin de matériels plus puissants pour transformer de façon judicieuse les instructions qu’on leur transmet. « Effectuer certaines analyses préliminaires sur les équipements de bout de réseau et les renvoyer sur un système central pour étendre l’apprentissage, c’est un peu comme si on disposait d’un système d’apprentissage fédéré », décrit Mark Hung, de Gartner.
Le secteur du manufacturing constitue un autre terrain d’applications pour effectuer des analyses en bout de réseau. Voilà déjà une dizaine d’années que PTC, éditeur de solutions de PLM et de la plateforme IoT Thingworks, cherche à intégrer davantage de traitements au sein des équipements industriels. L’objectif est d’aider les entreprises à réduire leurs coûts grâce à la maintenance prédictive et à travers d’autres applications de gestion et d’exploitation automatisées. « Il y a 10 ans, l’état de la technologie pour réaliser de la détection de panne de façon proactive et prédictive n’était pas vraiment de l’ordre du bouleversement technologique », rappelle Joe Biron, CTO de PTC. « Il s’agissait principalement d’un processus piloté par des opérateurs qui s’appuyaient sur les connaissances de spécialistes techniques experts dans le fonctionnement des composants industriels », relate-t-il. « En se basant sur cette connaissance, les règles pour détecter les paramètres permettant de prédire des pannes imminentes pouvaient être codées en dur dans les équipements situés en bout de réseau les plus rudimentaires ».
Fédérer les équipements IoT en milieu industriel
Le véritable défi se pose lorsqu’il ne se trouve personne qui soit en mesure de comprendre la confluence critique des indicateurs qui prédit la survenue d’un problème. Pour cela, on a besoin d’apprentissage machine, et plus spécifiquement, d’un modèle d’apprentissage machine qui peut évaluer les données en entrée et en sortie et filtrer les données les plus importantes pour réaliser les prédictions. Cela requiert une puissance de calcul qui limite ce que l’on peut faire en bout de réseau. « Cela dit, une fois que vous avez créé le modèle, vous disposez d’une base de comparaison. Ce modèle peut alors être alimenté en temps réel, en quasi temps-réel, ou de façon très régulière par des données récentes et il peut être utilisé pour effectuer des déterminations statistiques sur la probabilité de survenue d’un événement », explique Joe Biron. « Effectuer le scoring d’un modèle ne requiert pas trop de ressources de calcul alors que l’entraînement d’un modèle en demande beaucoup ».
Fédérer les équipements de bout de réseau – de même que tout ce qui dispose d’un capteur qui leur soit connecté – est particulièrement important dans le secteur industriel, pointe Humera Malik, CEO de fondateur de Canvass Analytics. « Il peut s’agir de tout type d’éléments – turbine, générateur – qui collectivement actionnent un processus ». Les traitements analytiques effectués sur le dispositif IoT fonctionnent bien également dans le paramétrage industriel parce que les applications techniques de l’IoT ne supportent guère de latence dans la transmission des informations. Le temps qu’il faut pour que les données soient envoyées par l’équipement IoT, qu’elles parcourent la complexe topologie du réseau et reviennent sous la forme d’instructions correctives peut s’avérer trop longs pour une gestion efficace du dispositif.
Transport : la navigation autonome requiert de l’IoT avancé
Le troisième domaine d’applications où l’analyse IoT sur les endpoints devient populaire, c’est le transport. Mark Hung, de Gartner, note que tout ce qui demande une navigation autonome, que ce soit un drone ou n’importe quoi d’autre, est un candidat de premier choix pour devenir un équipement IoT relativement avancé. Depuis des années, les voitures sont devenues de plus en plus automatisées et informatisées et la perspective d’usages IoT largement répandus n’a fait qu’accélérer ce processus, au fur et à mesure que les constructeurs ont intégré des fonctionnalités de sécurité de plus en plus sophistiquées dans les véhicules modernes et que les applications de gestion de flottes s’est enrichie d’outils pour la maintenance et la géolocalisation. L’automatisation croissante du secteur automobile est un très bon exemple de la façon dont ces technologies IoT semi-automatisées sont supposées fonctionner, pointe Ruhollah Farchtchi, CTO de Zoomdata. « Ce cercle vertueux de la compréhension humaine converti en algorithmes et en apprentissage machine, puis déployé « at the edge », c’est surtout là que nous voyons prendre forme l’analytique opéré en bout de réseau ».
Analytique dans l’IoT : un avenir dans la santé et l’énergie
En se projetant un peu plus loin, la santé et la production d’énergie – particulièrement dans les industries du pétrole et du gaz – sont bien placés pour faire croître les cas d’usage d’analyse sur les dispositifs IoT. Les hôpitaux et les cliniques ont un besoin criant de technologies plus évoluées – en témoigne, notamment, le travail réalisé pour augmenter l’interopérabilité ou encore réduire le phénomène de « fatigue face aux alarmes » (lorsqu’un trop grand nombre d’alarmes se déclenchent, le personnel soignant ne peut plus distinguer celles qui sont vraiment significatives, ce qui induit un risque pour la sécurité des patients). Pouvoir disposer de davantage de technologies IT au sein des équipements IoT serait bénéfique aux soins.
Pour autant, cela ne signifie pas que ce sera simple. En particulier lorsqu’il sera question de machine learning, avertit Joe Biron, CTO de PTC. Le système de back-end qu’il faudra installer pour la partie exigeant les plus importantes ressources de calcul n’est pas simple à bâtir et insérer dans un contexte hospitalier. « C’est plus facile d’installer un système de traitement de taille moyenne dans une usine, plutôt que dans une clinique ou un hôpital où l’on trouve du matériel médical », explique-t-il. « La capacité à faire entre des capacités de traitement haute densité est plus limitée ici que dans une implantation industrielle ».
Les industries du pétrole et du gaz ont de leur coté des avantages en la matière, compte-tenu de l’énorme quantité de données historiques sur l’exploration des sous-sols et sur les extractions dont elles disposent et qu’elles peuvent exploiter pour entraîner des modèles d’apprentissage machine.