Microsoft, Google et AWS bataillent pour démocratiser l’IA
Déjà en concurrence frontale dans le cloud, Microsoft, Google et AWS se battent aussi pour faciliter l’accès de l’intelligence artificielle aux développeurs. Si leurs objectifs sont similaires, difficile aujourd’hui de prévoir qui sortira gagnant.
Depuis le début du mois, les conférences développeurs se suivent à un rythme soutenu : après la Facebook Conference F8 et la Microsoft Build 2018 du début mai, c’était plus récemment le tour de la Google I/O et de l’AWS Summit. En plus de cette concordance de calendrier, il semble que toutes ont choisi de mettre en avant le même objectif : rendre l’intelligence artificielle plus accessible aux développeurs sur leurs plates-formes. Les trois grands fournisseurs de cloud ont fait plusieurs annonces importantes sur les technologies d’apprentissage machine et l’IA, même si AWS a réservé ses meilleures nouveautés pour la conférence re:Invent qui se tiendra à Las Vegas plus tard cette année. De manière générale, les géants technologiques pensent qu’en simplifiant des technologies d’intelligence artificielle complexes et puissantes comme la vision par ordinateur, la compréhension du langage naturel et les modèles de deep learning, ils peuvent enfermer les développeurs dans leur écosystème et leur faire consommer des infrastructures et des services contre argent comptant.
AWS : une offre IA complète
Lors de l’AWS Summit qui se tenait à Londres les 9 et 10 mai derniers, Werner Vogels, le CTO d’Amazon.com, a déclaré : « Notre mission est de rendre l’apprentissage machine disponible et de le mettre entre les mains de chaque développeur ». L’approche d’AWS est très extensive puisque le fournisseur offre dans son infrastructure tout ce qui est nécessaire aux développeurs, de la puissance de calcul jusqu’à l’exécution de modèles d’apprentissage machine, plus des services à la demande comme Rekognition pour la reconnaissance d’images, Polly pour le traitement texte-parole, et Lex pour la création d’assistants virtuels et de chatbots. Il faut ajouter à cette liste AWS SageMaker, annoncé lors de la conférence re:Invent 2017, qui facilite le déploiement d’algorithmes d’apprentissage machine. Essentiellement, SageMaker est une plate-forme de création, de training et de déploiement d’algorithmes d’apprentissage machine pour les applications métiers. Elle évite au client des opérations manuelles assez lourdes pour l’approvisionnement, la gestion et l’adaptation des modèles.
Google essaime son IA
Le moins que l’on puisse dire, c’est que, dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage machine, Google est un concurrent de poids. Son expertise date de l’époque du populaire framework open source TensorFlow. Et récemment, le fournisseur a même rebaptisé sa division de recherche Google IA. Lors de la dernière conférence Google I/O qui se tenait à Mountain View du 8 au 10 mai, son CEO, Sundar Pichai, a clairement indiqué que l’intelligence artificielle permettait à l’entreprise de poursuivre sa mission principale, à savoir : « Rendre l’information plus utile, plus accessible et bénéfique à la société ». Dans la foulée, le CEO a présenté plusieurs usages de l’intelligence artificielle dans des applications grand public, dont une nouvelle fonctionnalité qui permet de compéter les courriels dans Gmail, ou encore Google Duplex qui permet à Google Assistant de passer des appels téléphoniques à la place d’un humain (pour l’instant le robot à voix humaine peut réserver une table dans un restaurant, par exemple). Google a également travaillé sur le hardware, annonçant une troisième génération de processeur Tensorflow Processing Unit (TPU) appelée Cloud TPU, pour traiter les opérations de machine learning dans le cloud.
Microsoft étend l’IA à la périphérie
Lors de la conférence Microsoft Build 2018 qui se tenait à Seattle du 7 au 10 mai, le CEO de Microsoft, Satya Nadella a pu répéter son dernier mantra : « Intelligent core, intelligent edge ». Il a aussi insisté sur la volonté de Microsoft de faciliter l’usage de l’IA pour les développeurs, déclarant : « L’important, c’est de traduire ces [évolutions] en framework, outils et services et de les mettre entre vos mains, afin que vous puissiez vous emparer de cette intelligence, l’introduire dans chaque industrie et l’intégrer dans chaque application. Pour cela il faut étendre l’accès de l’IA au cloud et à la périphérie. Nous devons aussi rendre la chaîne d’outils la plus productive possible pour vous permettre de créer et de personnaliser l’intelligence artificielle, avec une garantie d’accès ouvert aux frameworks et à l’infrastructure, sans verrouillage ».
La pile de Microsoft, comparable à celle de son concurrent AWS, comprend Azure Machine Learning Studio pour la modélisation, une gamme étendue de « services cognitifs » pour la vision par ordinateur et la synthèse vocale, ainsi que diverses options de déploiement pour l’exécution des modèles dans l’infrastructure Azure. Néanmoins, l’approche de Satya Nadella est légèrement différente, celui-ci étant très clairement focalisé sur les cas d’usage de l’IoT et de l’informatique edge. La conférence Build a accordé beaucoup de place à ses nouveaux partenariats. Avec Qualcomm, d’une part, autour d’un « kit de développement IA pour la vision ». Ce kit comprend un hardware et un logiciel qui permet aux développeurs de créer des solutions IoT utilisant des systèmes de vision. Mais aussi avec le constructeur de drones DJI pour la prise en charge de calculs complexes au niveau de l’appareil. Microsoft a également annoncé Project Brainwave, un système destiné à exécuter des modèles IA avec des puces spécialisées. Celui-ci permet aux développeurs de déployer des modèles sur des processeurs dédiés offrant de meilleures performances que les CPU et les GPU. Selon Microsoft, avec Brainwave, Azure est le cloud d’intelligence artificielle en temps réel le plus rapide du marché.
L’IA c’est bien, l’éthique c’est mieux
Le thème de l’éthique dans l’IA a également tenu une place importante dans ces différentes conférences. Alors que le scandale Cambridge Analytica qui a exploité les données de millions d’utilisateurs Facebook sans leur consentement continue à faire des vagues, les entreprises technologiques essayent de montrer aux utilisateurs qu’elles feront bon usage des énormes volumes de données qu’elles détiennent. Toutes estiment nécessaire d’encadrer l’usage de ces technologies et leurs puissantes capacités d’analyses. Sur ce thème, le CEO de Google, Sundar Pichai, a déclaré : « Nous ne pouvons pas nous contenter de voir uniquement les innovations que permet la technologie. L’impact de ces innovations pose des questions bien réelles et très importantes. Nous savons que nous devons accompagner ces évolutions avec une grande attention. Nous voulons affirmer notre fort sentiment de responsabilité sur tous ces sujets ».
Étonnamment, Satya Nadella, le CEO de Microsoft, a dit à peu près la même chose : « Nous avons la responsabilité de veiller à ce que tous les acteurs adoptent une attitude éthique dans l’usage de ces technologies. Il faut également que ces technologies favorisent une croissance équitable de sorte que chaque industrie puisse grandir et créer des emplois. Enfin, en tant qu’industrie technologique, il est de notre responsabilité d’instaurer la confiance dans la technologie. Il a ajouté : « Le temps est venu de nous interroger non seulement sur ce que peuvent faire les ordinateurs, mais aussi sur ce qu’ils devraient faire. Nous avons créé au sein de l’entreprise un comité d’éthique réunissant des personnes de profil différent pour réfléchir sur nos produits et nos projets. Nous investissons pour mettre des outils entre les mains des développeurs. Comme dans le cas de l’interface utilisateur, nous voulons faire de l’intelligence artificielle une discipline d’ingénierie de premier ordre, de façon à faire les bons choix pour notre avenir ». Microsoft s’est également engagée à dépenser 25 millions de dollars dans un programme d’aide aux personnes handicapées à travers l’usage de l’IA.
Conclusion
Cette période est tout à fait propice pour voir sur quels domaines les géants technologiques concentrent leur attention (même s’il faudra attendre quelques mois encore pour voir ce que fera Apple). Il y a quelques années, tout était mobile. Puis ce fut au tour des interfaces vocales. Et aujourd’hui, les objectifs sont clairement centrés autour de l’IA. On peut constater que ces entreprises technologiques sont très proches dans leurs objectifs et il sera intéressant de voir comment elles arrivent à se différencier pour attirer les développeurs et les entreprises sur leurs plates-formes. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui la lutte entre les fournisseurs se situe clairement sur la facilité d’accès des développeurs à ces technologies de pointe. Et il serait prématuré à ce stade de dire lequel d’entre eux est le favori de cette course.